Une passoire . Ou plutôt trois passoires. Celles dont Socrate parlait un jour à quelqu’un qui voulait lui rapporter quelque médisance. « Avant de parler , recommandait le vieux sage, il faut faire passer ce que tu veux dire à travers les passoires de la vérité, de la bonté et de l’utilité : Es-tu sûr que c’est vrai ? Est-ce bon ? Est-il utile de me le raconter ? »
Ces trois passoires évitent de colporter des rumeurs plus ou moins déformées, éliminent tout propos malveillant et tout bavardage sans intérêt, pour retenir seulement ce qui, vérifié et inspiré par l’amour fraternel, revêt quelque importance.
Ne devrions-nous pas faire subir ce test à nos conversations familiale ? les médisances et les ragots, sans même parler des calomnies délibérées, sont un poison mortel. Le pire est que souvent nous les répandons à la légère, presque sans y penser.
Alors, avant d’ouvrir la bouche, rappelons-nous les trois passoires !
Une ardoise, que l’on efface d’un coup d’éponge. Une ardoise, c’est le symbole d’un cœur qui sait pardonner, et se donne sans compter. En somme, le contraire d’une caisse enregistreuse.
Se comporter comme une caisse enregistreuse est une tentation fréquente ; on garde bien rangées dans un coin de sa mémoire les listes de ses propres mérites et des offenses que l’on a subies ; il y a des listes réservées au conjoint, aux enfants, et des « spéciales belle-famille ». « Moi, je lui ai fait un cadeau pour son anniversaire, et il n’a même pas pensé au mien. C’est toujours moi qui appelle la première… », etc.
On encaisse, on encaisse sans rien dire ou presque, on serre les dents, mais on n’en pense pas moins. Avec le temps, la liste s’allonge et finit par sortir au grand jour. Au bout de deux, dix ou vingt ans de mariage, on énumère à son conjoint ou à sa belle-mère abasourdis des motifs de rancœur impitoyablement enregistrés. Et ça fait très mal !
Un stéthoscope, ce précieux instrument dont l’invention a permis au corps médical d’écouter la respiration et le cœur des malades, d’entendre ce qui est invisible pour les yeux. Lorsqu’un de nos enfants raconte ce qui s’est passé à l’école, qu’une amie nous téléphone, ou que nous nous retrouvons entre époux au soir d’une journée de travail, écoutons avec notre « stéthoscope intérieur », avec cette attention profonde qui ne s’arrête pas aux apparences.
On dit souvent que l’amour rend aveugle. C’est le contraire qui est vrai ; l’amour authentique permet de discerner des trésors cachés et de comprendre ce qui n’est exprimé qu’à demi-mots ; il va droit au cœur, sans se laisser piéger par un premier coup d’œil hâtif et superficiel. Il écoute en permanence avec un stéthoscope.
Un rouleau à pâtisserie, pas pour les scènes de ménage ! mais pour… la pâtisserie, parce que la nourriture tient une place importante dans la vie familiale . Il n’est pas indifférent qu’elle soit bonne ou mauvaise, préparée avec amour ou servie n’importe comment, partagée joyeusement autour d’une même table ou avalée à la hâte devant le réfrigérateur. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la cuisine est souvent le lieu des confidences et des conversations les plus spontanées.
Le rouleau à pâtisserie rappelle aussi que chacun est invité à mettre la main à la pâte. La maison familiale n’est pas un hôtel-restaurant, où l’on glisse sans vergogne ses pieds sous la table, mais un lieu où l’on apprend dès le plus jeune âge à rendre service. Si la nourriture se partage, les tâches qui l’entourent aussi ! Elles peuvent être vécues comme des corvées, ou comme des occasions d’échanges irremplaçables.
Une bougie, enfin, parce qu’à l’ère de l’électricité, il s’agit d’un objet qui ne sert à rien, au sens strict du terme. Sauf circonstances exceptionnelles, une bougie est inutile… comme sont inutiles tant de choses essentielles ! La beauté, par exemple, dont nous ne saurions pourtant nous passer. Et le jeu, sans lequel l’enfant ne peut se construire. Et tout ce temps « perdu » à ne rien faire d’autre qu’à savourer la joie d’être ensemble !
Christine Ponsard
Merci pour ce texte magnifique ! J'aime beaucoup Christine Ponsard ;) Elle a écrit des choses superbes de grandeur et de pragmatisme à la fois.
RépondreSupprimerJe ne connaissais pas Christine Ponsard ... alors merci deux fois, pour les présentations ET pour ce texte très inspirant !
RépondreSupprimerPuissant. Merci :-)
RépondreSupprimer@ toutes : je vous en prie !
RépondreSupprimerJe connaissais les passoires au travers de mon grand, initié par son maitre de cm2 ... mais je ne connaissais pas Christine Ponsard... merci !
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